20 mai 2023

Comment écrire un bon dialogue ?

On vous explique comment écrire des dialogues qui claquent.

Nicolas Parisi

Cofondateur du Club, Je suis passionné de SF et de stylistique

Il y a plusieurs personnages dans votre roman ou votre nouvelle ? Alors ils seront très certainement amenés à se parler. Et si vous ne voulez pas qu’un lecteur arrête là sa lecture de votre texte, il va falloir que vos dialogues sonnent justes.

Comment on fait ça ? Eh bien, en maîtrisant autant le fond (ce que les personnages se disent) que la forme (comment vous les mettez en scène). Ça se résume en six conseils qu’on vous explique dans le reste de l’article :

  • Introduisez vos lignes de dialogues avec des tirets cadratin suivis d’une espace.
  • N’abusez pas des incises et des adverbes après les verbes déclaratifs.
  • Insérez des courts passages narratifs entre deux tirades.
  • Faites parler vos personnages avec une voix qui leur est propre.
  • Pensez à ce que votre personnage a envie de dire plutôt qu’à ce que vous voudriez qu’il dise.
  • Relisez vos dialogues à voix haute.

Et on commence avec la partie la moins intéressante, mais sûrement la plus importante, j’ai nommé :

Écrire de bons dialogues commence par connaître et maîtriser les règles typographiques et de mise en page de base. Avant, il fallait toujours ouvrir et fermer un dialogue par des guillemets français (c’est ceux-là : « ») et introduire chaque nouvelle réplique par un tiret cadratin suivi d’une espace (comme suit : ). Aujourd’hui, on est beaucoup plus souple. Il est très commun de commencer directement un dialogue par un tiret cadratin (suivi d’un espace) et de pas s’embêter avec les guillemets.

Mais pourquoi spécifiquement un tiret cadratin ? Tout simplement parce que c’est l’usage. C’est ce à quoi les lecteurs (dont les éditeurs) sont habitués. Si vous partez sur autre chose (tiret simple : – , tiret semi-cadratin –, tiret cadratin sans espace), ça ne fera pas de vous quelqu’un d’original, ça entravera juste le plaisir de lecture de votre lecteur et il passera plus de temps à se demander pourquoi vous présentez vos dialogues comme ça, qu’à faire attention à ce que se disent vos personnages.

Les raccourcis pour les tirets cadratins sont : soit trois fois [le tiret du 6] suivi d’une espace, soit Ctrl + Alt + [le tiret du 6] (en fonction du logiciel de traitement de texte que vous utilisez).

En ce qui concerne les guillemets : si vous préférez continuer d’ouvrir vos dialogues par des guillemets français, libre à vous. Mais je trouve que cela alourdit l’écriture et, dans la mesure où on peut s’en passer, autant le faire. D’autant plus que l’usage de guillemets peut très vite devenir pénible (aussi bien pour vous que pour le lecteur) si vous commencez à dynamiser vos dialogues en insérant des courts passages narratifs entre deux répliques (on parlera de ça un peu plus loin).

Un autre point qu’il est intéressant de relever : le cas des tirades longues. On parle ici de tirades tellement longues qu’elles auraient besoin d’être scindées en plusieurs paragraphes. Comment faire si vous ne voulez pas que le long monologue de votre personnage principal soit rendu sous la forme d’un pavé si effrayant que le lecteur ne le lira qu’en diagonale ?

Eh bien, vous utilisez des guillemets fermantes à la française : » en début de ligne. Oui, je me rappelle ce que je vous ai dit… Mais c’est aujourd’hui le seul outil typographique à notre disposition pour indiquer clairement au lecteur que le retour à la ligne que l’on effectue ne marque pas la fin de la tirade, mais simplement un nouveau paragraphe de celle-ci.

Notez que l’utilisation de ce type de guillemet n’est pas subordonnée à l’utilisation des guillemets pour ouvrir et fermer vos dialogues.

Allez, maintenant que ça, c’est réglé, on peut passer à des points plus intéressants, notamment :

« Dit-il/elle » : voilà la plus célèbre des incises.

Les incises permettent de donner des indications sur plusieurs choses : qui parle, mais aussi comment il/elle parle. Elles permettent aussi de donner des indications sur ce que fait le locuteur (par exemple : « dit-il en clignant de l’œil »).

En ce qui concerne la typographie des incises : quelle que soit la marque de ponctuation qui précède une incise (virgule, point, point d’interrogation ou d’exclamation), la première lettre de l’incise ne prend pas de majuscule. Si vous utilisez des guillemets, pas besoin de les fermer puis de les rouvrir autour de l’incise.

Les incises sont des chouettes outils, mais il faut être prudent lorsqu’on les utilise. On peut, par manque de confiance en nos capacités d’écrivain, tomber dans des pièges. Pas d’inquiétude, on vous les présente :

Piège #1 : la peur de l’irrégularité

Vous avez mis des incises à vos trois premières lignes de dialogues et, pour rester régulier, vous voulez continuer d’en mettre à toutes les suivantes ?

C’est une mauvaise idée. Autant il est primordial d’être régulier sur des questions comme la mise en page et la typographie, autant ça ne s’applique pas dans le cas des incises :

— Pourquoi ça ne s’applique pas dans le cas des incises ? me demanda Paul.
— Parce que les incises doivent servir à quelque chose, répondis-je.
— Et la typographie elle doit pas servir à quelque chose aussi ? interrogea Paul.
— Alors oui, mais la typographie et la mise en page, c’est pour le confort de lecture. Les incises, elles, permettent de donner des informations au lecteur, essayai-je d’expliquer.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? dit Paul.
— Dans notre dialogue par exemple, les deux premières incises servaient à quelque chose : elles permettaient de clarifier le contexte énonciatif au lecteur (c’est-à-dire : qui parle à qui ?). Par contre les suivantes ne servaient à rien. Et en plus de servir à rien, elles gênent la lecture. C’est quand même plus sympa quand on rajoute pas d’incises qui servent à rien, non ?
— Ah oui, c’est pas faux.

Piège #2 : la peur des répétitions

Même si vous utilisez avec parcimonie vos incises, vous risquez d’assez rapidement être amené à utiliser plusieurs fois le même verbe déclaratif :

— Et pourtant, il faut à tout prix éviter les répétitions, non ? remarqua Paul.
— Non, il faut à tout prix éviter de gâcher la lecture à votre lecteur, corrigeai-je.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? s’enquit Marie, qui avait besoin d’apparaître dans ce dialogue pour justifier que je continue d’utiliser des incises après ces deux premières lignes.
— Ça veut dire qu’à trop vouloir éviter les répétitions, on risque de finir par avoir recours à des verbes déclaratifs qui « choqueraient » le lecteur, comme par exemple… je sais pas, mais vous voyez ce que je veux dire, non ? les sondai-je.
— Non, qu’est-ce que tu veux dire ? me consulta Paul.
— Argh… C’est pourtant évident ce que j’essaye de vous montrer ! Vous voyez pas ? les arraisonnai-je.

Honnêtement, ça passera beaucoup mieux si vous utilisez des verbes déclaratifs classiques comme « dire » ou « demander » que des verbes un peu trop en dehors de ce à quoi sont habitués les lecteurs.

L’œil du lecteur va glisser sans problème sur un « dit-il » ou « demanda-t-elle ». Par contre, vous pouvez être sûrs qu’il va tiquer sur un « soliloqua-t-il » ou « interviewa-t-elle ».

Piège #3 : la peur que le lecteur ne se représente pas assez clairement la scène

C’est un peu l’effet : « je vais rajouter quatre smileys à la fin de mon message au cas où elle comprendrait pas que je suis ironique quand j’écris ça », mais avec des adverbes à la place des smileys. On appelle ça faire une JK Rowling (les fans de Harry Potter sont les bienvenus s’ils souhaitent me lyncher) :

— De quoi on parle concrètement ? me demanda Paul naïvement.
— Eh bien mon cher Paul, repris-je professoralement, on parle de ces adverbes que l’on rajoute au verbe déclaratif de l’incise parce qu’on imagine qu’autrement, le lecteur ne sera pas capable de se représenter tout seul le ton de la personne qui parle.
— Mettre des adverbes après des verbes déclaratifs, c’est prendre le lecteur pour un con ? demanda aimablement Marie.
— Grand Dieu, non ! m’exclamai-je théâtralement. C’est juste que le lecteur peut avoir ce sentiment-là si on lui explique trop quelque chose qu’il avait déjà parfaitement saisi.
— Donc il vaut mieux ne jamais mettre d’adverbe après un verbe déclaratif ? demanda Paul.
— Eh bien… je dirais qu’il vaut mieux ne pas en mettre, sauf si c’est absolument nécessaire.
— Merci, c’est tellement clair toutes ces explications ! affirma Marie.
— Du coup, quand est-ce que c’est nécessaire de mettre un adverbe ? demanda Paul.
— Ça aurait pu être pas mal d’en rajouter un après « affirma Marie » par exemple. Le lecteur aurait pu mieux percevoir l’ironie dans sa voix.

Il faut donc utiliser des incises quand c’est nécessaire :

  • Quand la situation énonciative a besoin d’être clarifiée (c.-à-d. que sans incises, on ne comprendrait pas qui parle à qui)
  • Pour faire intervenir une action au milieu d’une ligne de dialogue (« dit-il en applaudissant/tandis qu’elle applaudissait »).
  • Pour préciser une nuance dans le ton de la voix de votre personnage qui ne serait pas perçue autrement

Vous pouvez insérer des incises à la fin ou au milieu d’une tirade : c’est une question de rythme. Si vous insérez une incise au milieu d’une tirade, ça donnera un peu l’impression que votre personnage fait une pause ou prend sa respiration à ce moment-là.

L’incise permet de clarifier la situation énonciative, mais il possible de la clarifier autrement. Si l’on fait précéder une ligne de dialogue par un court passage narratif, le lecteur attribuera les paroles au personnage qui est sujet du court passage :

Paul se pencha sur ce que je venais d’écrire.
— T’es sérieux, ça marche vraiment ça ?
Je hochai vigoureusement la tête.
— Oui, j’te jure !
Paul se leva, les yeux révulsés d’incrédulité.
— Et en plus, ces courts passages narratifs permettent même de donner des indices sur le ton… J’en reviens pas. Mais… Mais… comment ça se fait ?
Je haussai les épaules.
— C’est sûrement qu’on est habitués au système des didascalies au théâtre ou un truc du genre. Je sais pas trop en fait.

Et on peut ainsi se passer d’incises ! C’est pas génial ça ? Personnellement je trouve ça vraiment chouette, après à vous de voir comment vous préférez écrire vos dialogues. Je pense que le mieux est de ne pas s’enfermer dans une forme (rejeter complètement les incises ou n’utiliser que les incises), mais à un moment donné, c’est aussi à vous de trouver votre style.

— Mais qu’est-ce que tu fais Paul ? Range ce flingue !
— Tu vas arrêter un peu d’essayer d’écrire le moins possible ! Espèce de fainéant, remets des didascalies !
— Aïe ! Mais me tape pas ! Je vais pas mettre des didascalies alors qu’elles sont pas nécessaires, non ?
— Qui c’est qui a le flingue ?
Je hochai la tête par dépit.
— Bon, bon, d’accord… voilà. T’es content ?
Paul rangea son arme et sourit à pleines dents.
— Je préfère !

Ok ! On a plus ou moins couvert la forme (bien qu’il resterait encore énormément à dire sur la question des discours rapportés… Mais ça sera le sujet d’un autre article !), on peut maintenant s’attaquer au fond, c’est-à-dire :

La réponse qui me vient naturellement face à cette question est « faut y aller au feeling», ce qui montre à quel point je ne maîtrise pas complètement le sujet.

Tout ce que vous lirez à partir d’ici est donc à prendre avec des pincettes.

Mais essayons néanmoins d’approcher la question avec méthode. Que signifie parler comme un robot ?

  • Être trop factuel
  • Avoir un ton de voix morne (on associera façon de parler et ton ici)

On va donc voir comment éviter ces deux problèmes :

Vous vous rappelez votre prof de… (insérez ici une classe qui vous a marqué) qui terminait toutes ses phrases par « n’est-ce pas ? ».

Eh bien si vous faites ça dans votre roman, votre lecteur aura très certainement envie de vous assassiner. Faites-le avec parcimonie et, au lieu d’embêter votre lecteur, vous aurez affublé un de vos personnages d’un tic de langage qui le rendra plus vivant.

Chaque personne a des mots qu’elle va utiliser plus que d’autres. À vous de déterminer la façon de s’exprimer d’un personnage, son niveau de langue, ses expressions favorites, comment elle construit ses phrases… Et de faire en sorte que tout ça colle avec la personnalité du personnage en question.

Eh oui, on arrive au nœud du problème : faire que ses personnages ne parlent pas comme des robots, ça implique d’avoir déjà réussi à créer des personnages qui ne ressemblent pas à des robots. Mais si vous avez réussi à créer des personnages crédibles et attachants, vous devriez être capable de les faire parler d’une façon humaine, à condition que vous les laissiez parler plutôt que de leur mettre de force des mots dans la bouche…

Ce qui nous amène au point suivant (qui me semble être le plus important) :

Imaginons que votre personnage principal discute avec sa mère de son petit frère. Vous avez envie que le lecteur sache que le petit frère en question s’appelle Marc, a 8 ans, est fan de Spiderman et a des problèmes à l’école.

À part si votre personnage principal a secrètement été remplacé par un robot, il ne s’adresserait pas comme cela à sa mère :

« Mère, je dois m’entretenir avec vous de mon petit frère, Marc, qui a 8 ans et qui est fan de Spiderman… il a des problèmes à l’école. »

Il faudrait distiller les informations au sein d’une (ou plusieurs même) ligne de dialogue qui fait sens :

« Maman, je crois que Marc a des problèmes à l’école… La dernière fois, je l’ai vu rentrer avec son tee-shirt Spiderman tout déchiré… »

C’est un problème qui a plus souvent tendance à apparaître lors des incipits, mais que l’on peut retrouver même plus loin dans l’histoire si l’on ne fait pas attention.

Cette fois, imaginons que votre personnage principal est furieux. Naturellement, il n’irait pas dire à la personne avec qui il discute : « Je suis furieux » (à part si c’est quelqu’un qui sait faire preuve d’un très grand contrôle de ses émotions).

Non, il pourrait par exemple crier sur son interlocuteur et l’insulter :

— Je savais que c’était toi qui étais derrière tout ça ! cria-t-il avec fureur.

Ou, encore mieux :

Les yeux révulsés de colère, il frappa du poing sur la table.
— Je savais que c’était toi qui étais derrière tout ça !

Bon, on a vu quelle forme devaient prendre des dialogues, comment utiliser des incises à bon escient et comment faire pour que vos personnages parlent naturellement. Je crois qu’on a fait le tour ! Il ne vous reste plus qu’à :

Pour ce faire, lisez vos dialogues à voix haute, tout simplement. Je ne saurais vous dire combien de fois j’ai écrit un dialogue que je pensais plutôt bon avant de le lire à voix haute et de le recommencer intégralement. Des fois, on est tout simplement incapable de voir à quel point ce qu’on a écrit est mauvais tant qu’on ne l’a pas entendu.

Et… ça y est ? On est arrivé au bout ?

Oui ! Il ne nous manque plus qu’une petite :

Maîtriser l’écriture des dialogues est primordial et peut sembler compliqué de prime abord. Il faut garder en tête que l’objectif, avant d’écrire des dialogues formidables de vraisemblance/d’émotion/[autre truc mélioratif], est d’écrire des dialogues qui ne sortent pas le lecteur de l’histoire. Pour ce faire, le meilleur moyen est encore de respecter ces six conseils qu’on évoquait dans l’intro :

  • Introduisez vos lignes de dialogues avec des tirets cadratins suivis d’un espace.
  • N’abusez pas des incises et des adverbes après les verbes déclaratifs.
  • Insérez des courts passages narratifs entre deux tirades.
  • Faites parler vos personnages avec une voix qui leur est propre.
  • Pensez à ce que votre personnage a envie de dire plutôt qu’à ce que vous voudriez qu’il dise.
  • Relisez vos dialogues à voix haute.

Si vous les appliquez, vos dialogues ne devraient pas jouer en votre défaveur. Et une fois que vous vous sentirez plus à l’aise, là vous pourrez vous amuser à ne plus respecter ces conseils et faire ce que vous voulez parce qu’enfin, vous saurez ce que vous faites.

D’ailleurs, si vous avez développé des techniques particulières pour écrire vos dialogues, hésitez pas à nous les partager en commentaire !

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