Des outils pour influer sur le dynamisme de son récit 2
Salut les écrivains et bienvenues dans ce deuxième article de la suite consacrée aux outils d’écriture qui permettent d’influer sur le dynamisme d’un récit !
Nous avons parlé, au cours du dernier numéro, de trois outils excessivement formels : la phrase, le paragraphe et le chapitre ; et nous y avons vu que le simple choix qui oppose une succession de phrases simples à une longue phrase complexe permet déjà de jouer avec la dynamique inhérente au texte.
Nous allons, aujourd’hui encore, nous intéresser au texte en lui-même, mais au travers de nouveaux outils : les figures de style et les discours rapportés !
Vous êtes prêts ? C’est parti !
#4 Les figures de style
Le terme « figures de style » désigne l’ensemble des procédés littéraires et stylistiques qui permettent – grosso merdo – de travailler une phrase, un paragraphe ou même le texte dans sa globalité pour lui ajouter du sens, le modifier, et tout un tas de bonnes choses.
Il existe des figures de style pour absolument tout (certaines sont même si proches qu’elles donnent lieu à des débats entre grammairiens et stylisticiens) et, bien évidemment, il y en a aussi pour dynamiser le récit.
#4.1 Dynamiser par les sonorités
Bien que la lecture soit un acte plutôt visuel (on lit des mots écrits), elle sollicite en permanence un autre sens, ou plutôt elles nous en donnent l’impression. Oui, je parle effectivement de l’ouïe.
Alors bon, on n’entend pas vraiment les mots qu’on lit… Pourtant, lorsqu’on lit « dans notre tête », eh bien on a l’impression d’effectivement les entendre.
C’est pour ce phénomène, et parce que certains sons nous évoquent plus ou moins telle ou telle chose, que l’allitération et l’assonance existent !
#4.1.1 L’allitération
Nous avons, il y a de cela quelques années, fait toute une semaine de « promotion » de l’allitération sur nos réseaux sociaux et avons découvert que la répétition de sons consonantiques pouvait dynamiser un récit en créant un lien fort entre le « sens » de la phrase et les sons qu’elle utilise.
On avait ainsi trouvé que :
- Les sons [d], [t] et [k] imposent une coupure dans le flot d’air lorsqu’on les prononce. Cette mini-interruption, lorsqu’elle est répétée, permet de créer un rythme que l’on peut accélérer (pour une course poursuite) ou ralentir (pour illustrer un cœur en déclin) au gré du besoin et des envies ;
- les sons [s], [f], [v] et [ch], comme ils sont virtuellement maintenables à l’infini (i.e. : jusqu’à ce que vous n’ayez plus d’air à disposition), vont aisément évoquer la nature environnante ou un calme ambiant et ainsi faire ressortir des éléments auxquels on ne fait pas attention habituellement ;
- les sons [m], [b], [l] et [bl], eux, induisent une certaine fluidité dans le récit, car ils sont « plastiques » et trouvables dans un large vocabulaire. Cette fluidité les rend extraordinaires lorsqu’il s’agit de longs passages descriptifs ou de contemplations (passages parfois difficiles à aborder par les lecteurs).
#4.1.2 L’assonance
Genre de « pendant » de l’allitération, l’assonance suit le même concept (concentration et répétition de sons proches), à ceci prêt que l’assonance ne s’intéresse qu’aux voyelles et à leurs sons proches (ex : on, ou, oi).
On notera également que si l’allitération va principalement dynamiser par le biais du rythme, l’assonance, elle, va permettre la mise en valeur de certaines émotions (et donc améliorer l’expérience de lecture !).
ATTENTION : l’assonance est à prendre avec plus de pincettes que l’allitération en ce que les valeurs qu’elle peut porter sont très variables. La liste qui suit n’est ainsi composée que de possibilités qu’il faudra – évidemment – adapter à vos écrits !
- le son [a] renvoie à des émotions « explosives » comme la joie (au travers des rires) ou la colère (cris de guerre, d’énervement) ;
- le son [i], qui est aigu et strident, peut renvoyer à une plainte ou à des cris ;
- les sons [o] et [on] traduisent généralement une forme de langueur et/ou de mélancolie.
#4.2 Dynamiser une information importante
Par chance, les figures de style liées aux sonorités ne sont pas les seules à permettre de travailler la dynamique de votre texte !
Dans cette sous-partie, nous allons nous intéresser à des figures de style qui, au travers de la répétition ou de la diversification, permettent d’influer sur le dynamisme de votre texte.
#4.2.1 La répétition
La répétition consiste en une… répétition significative d’un même terme dans un passage. Comme vous le savez, l’une de nos considérations d’écrivains est d’éviter d’écrire le même mot 93028920392028 fois dans le même paragraphe.
Certains sont plus extrêmes que d’autres (et renversent Internet pour trouver un synonyme que personne ne connaît), mais je pense pouvoir dire que la majorité des écrivains est somme tout d’accord.
Partant de là, répéter trois, quatre, sept fois le même mot dans une phrase ou un paragraphe est extrêmement visible. C’est d’ailleurs cette « visibilité » qui va vous permettre d’influer sur le texte en y créant une sensation d’insistance !
Cette insistance vous permettra la mise en valeur de l’élément central du passage en question !
Le meilleur exemple réside dans les discours galvaniseurs que l’on trouve souvent avant une scène de bataille. Vous savez ces grands :
« Aujourd’hui nous n’allons pas seulement vaincre l’envahisseur, non ! Aujourd’hui nous défendons nos terres, aujourd’hui nous défendons nos familles ! Aujourd’hui nous portons en nous l’espoir d’un monde nouveau ! Aujourd’hui nous nous battons pour que demain la guerre ne soit plus ! »
#4.2.2. L’apposition
L’apposition est l’ajout d’un syntagme ou d’une proposition qui, juxtaposé à un terme ou un autre syntagme, vient en compléter le sens.
Avant d’aller plus loin, je sais que nombre d’entre vous n’apprécient pas cette figure qui semble un peu « facile ». Je n’en suis pas un grand fan moi-même.
Je pense néanmoins qu’elle peut – si elle est utilisée adroitement – avoir une réelle utilité dans un récit.
Réfléchissez-y un instant : l’apposition permet de lier et juxtaposer des informations relatives à un même sujet. Ce faisant – et si l’on évite une apposition en sept temps – l’apposition peut servir à « dilater » le temps que le lecteur passe sur un même sujet.
Je pense néanmoins que si vous désirez dynamiser l’un de vos passages à l’aide d’une apposition, il vous faudra l’agrémenter d’autre chose (avec par exemple une gradation entre les différents éléments juxtaposés) pour que l’effet de focus ait une utilité !
#4.3. Dynamiser l’apport d’informations
Il y a un dernier groupe de figures de style dont j’aimerais vous parler dans cet article. Ces figures de style ont pour particularité de nous offrir de nouvelles manières d’apporter l’information au lecteur !
#4.3.1. Métaphore : assemblage et évocation
La métaphore est une figure de style dite d’analogie. Elle permet, concrètement, d’établir un lien entre des éléments qui, de prime abord, n’ont rien ou peu à voir.
On pourrait avoir par exemple : « Un regard de glace », qui en quatre mots peut sous-entendre de la colère.
Bon, je ne vais pas vous faire une analyse profonde de toutes les possibilités qu’offre la métaphore : Nicolas l’a fait dans un article (qui a disparu lors de la refonte du site, mais que nous republierons prochainement). Et si ça vous intrigue encore après, vous pouvez également consulter nos posts Instagram sur la question pour compléter son propos.
Quoiqu’il en soit, la métaphore crée des liens entre des éléments sémantiquement éloignés très rapidement. Elle permet ainsi de s’éviter de longs développements tout en impactant le lecteur à coups d’images évocatrices. Une belle manière d’apporter des informations de manière dynamique, donc.
#4.3.2. Oxymore : l’opposition brute pour la nouveauté
L’oxymore est une figure de style d’opposition. Elle est utilisée pour rapprocher deux termes (généralement un nom et un adjectif) de sens opposé, contradictoire et dans l’objectif de faire jaillir une nuance nouvelle de l’un des deux.
On pourra par exemple parler « d’exquise violence », pour faire mettre en lumière la vision qu’a un personnage de ses propres actes.
Cette figure de style a également fait l’objet d’un article (que nous remettrons en ligne bientôt) et de posts sur Instagram et, encore une fois, je vous les conseille vivement si vous n’avez pas eu l’occasion de les lire !
L’oxymore – plus encore que la métaphore – est un outil dynamique important et intéressant en ce qu’il permet de relier des termes de sens contraire. Il devient d’ailleurs d’autant plus utile en amont de paragraphes descriptifs (qu’il s’agisse d’une action ou d’un plan visuel), car il permet de donner facilement et rapidement des clefs de compréhension au lecteur.
#4.3.3. Zeugma : mise à niveau dynamique
Un zeugma consiste en l’association coordonnée de deux termes à un troisième. La particularité de cette association étant que les deux termes associés n’entretiennent pas la même relation avec le troisième.
Ça pourrait donner : « armée de sa masse et de toute sa patience », où le personnage peut absolument être armé d’une masse et être armé de toute sa patience.
Cette figure – à l’instar des trois dernières – dynamise l’apport d’informations en le raccourcissant. Elle est d’ailleurs très utile lorsqu’il s’agit de donner deux informations descriptives sans pour autant briser l’élan initial du texte !
#5. Les discours rapportés
Les discours rapportés sont un ensemble de discours qui permet de retranscrire les paroles et/ou pensées d’un personnage. Ces paroles et/ ou pensées pourront être rapportées au lecteur par le narrateur ou un autre personnage, dans la narration comme dans les dialogues (oui oui).
Ces discours sont l’un des outils les plus pratiques pour un écrivain, car ils lui permettent de jouer sur les méthodes de transmission des paroles et donc lui évitent de tomber dans la monotonie.
Je ne vais pas vous faire un inventaire des cinq discours rapportés : on l’a déjà fait dans cet article-ci. Je vais néanmoins me permettre d’ajouter mon petit grain de sel, si ça ne vous dérange pas, bien entendu 😉
#5.1. Le discours indirect libre
On parle de discours indirect libre lorsque la voix d’un personnage « contamine » celle du narrateur ou d’un autre personnage. Dans cette configuration, les termes retranscrits sont les mêmes que ceux employés par le personnage, à l’exception des verbes qui sont conjugués au temps du récit et de la personne employée (la 3e obligatoirement).
Ça pourrait donner :
Il observa l’homme en face de lui, et rien de son regard perçant à son vieux manteau délavé ne semblait bien intentionné. Il était hors de question de lui faire confiance à celui-là.
La « contamination » de celui qui parle (ici le narrateur) par celui dont il retranscrit les dires (ici pensées) est intéressante, car elle permet de le faire ressurgir. Elle permet donc par le biais d’éventuels tics de langage d’identifier la personne concernée, mais aussi de donner des informations sur son état d’esprit (une grande méfiance dans notre exemple) !
Elle dénote également une certaine forme d’importance dans les pensées ou paroles retranscrites, puisqu’elles ne sont ni introduites par une incise ni modifiées (outre les temps) par celui qui les transmet !
#5.2. Le discours direct libre
Le discours direct libre a pour différence avec le DIL l’absence totale et absolue de modification des pensées ou paroles retranscrites.
Le DDL est, de fait, le discours rapporté le plus technique, parce que s’il n’est pas bien amené, bah il est pas fifou. On pourrait donc se demander à quoi il sert…
La réponse est assez simple : le DDL va plus loin que le DIL puisqu’il interrompt le narrateur. Ces pensées ou paroles sont si fortes ou importantes qu’elles surgissent dans la narration sans qu’on ne puisse rien y faire. D’un point de vue du dynamisme, ce point est cool, j’en conviens.
Mais y’a un truc encore plus stylé à faire avec le DDL quand il s’agit de dynamiser son récit : s’en servir pour introduire un dialogue.
On va reprendre l’exemple qu’avait utilisé Nicolas dans son article et lui ajouter un petit quelque chose :
Paul regarda la pizza. Qu’est-ce qu’il avait faim ! Mais bon, il devait faire bonne figure. Il se répétait qu’il devait attendre les autres. « Attends, sois pas malpoli. Laisse quelqu’un prendre la première part ! » Il se parlait à lui-même comme si ça pouvait lui faire passer la faim. Oui, il allait tenir le coup… Mais, après tout, peut-être que les autres attendaient, comme lui, que quelqu’un se serve en premier ? Non, il ne fallait pas penser ça ! Tu dois tenir le coup Paul, tu peux le faire ! Et tu verras, ce n’est qu’un mauvais moment à passer. La pizza ne t’en semblera que meilleure après !
« Bon tu vas la prendre cette part ou tu vas continuer à la regarder comme un chien lorgne sur une saucisse ? »
Un tel paragraphe nous laisse aisément imaginer que Paul fixe la pizza tout du long, qu’il la dévore littéralement des yeux. C’est évidemment le jeu des différents discours rapportés qui permet de déployer ainsi l’idée qu’il la dévore des yeux…
Pourtant l’enchaînement du DDL (où Paul se parle à lui-même) et d’une ligne de dialogue (où l’un des autres lui parle) permet de rendre ce passage bien plus dynamique (et presque comique, si vous voulez mon avis).
Après, j’en conviens, cet exemple n’est peut-être pas le plus adapté… Mais bon, vous avez compris l’idée !
#5.3. Le discours narrativisé (oui, lui aussi)
Le discours narrativisé c’est, en gros, dire de quoi les personnages parlent sans dire ce qu’ils disent.
On aurait par exemple : « Et ils parlèrent toute la nuit du soleil, des étoiles et de tout ce qui leur échappait encore », où l’on sait que les personnages ont parlé d’astres sans vraiment savoir ce qu’ils se sont dit ou encore comment ils ont réagi.
L’intérêt de ce discours est qu’il permet ainsi de pointer du doigt une interaction, de pouvoir la détailler dans une certaine mesure, et ce sans avoir recours à un dialogue.
Alors bon, vous vous demandez peut-être à quoi servirait de se passer d’un dialogue, n’est-ce pas ? Je veux dire, un dialogue peut être très dynamique, rendre un passage plus vivant, etc. Et, oui, vous avez raison dans l’idée.
Sauf que certaines interactions n’ont pas besoin d’être mises en dialogue voire même bénéficieront plus d’un recours au discours narrativisé.
Imaginez par exemple que vos personnages rentrent d’un évènement et le racontent à un autre qui n’y était pas. Il a fort à parier dans cette situation que l’ensemble de la conversation n’intéressera pas votre lecteur, surtout s’il a assisté à l’évènement… Mais il y a aussi fort à parier que, si vous désirez que vos personnages racontent cet évènement ET que vous voulez narrer cela au lecteur, c’est qu’il y a une bonne raison. Bon. Bah ça pourrait donner ça :
Ils lui racontèrent tout : le concert, la file d’attente interminable, le malaise de Thomas et la réaction surdimensionnée de Marie.
« Après, ça m’étonne pas blablabla »
Dans cette situation, le discours narrativisé (qui aurait pu être plus long) a permis de faire tendre le texte vers un dialogue et donc de dynamiser la transition entre narration et dialogue !
Pour conclure ?
Voilà qui conclut ce deuxième article sur les outils à votre disposition pour dynamiser les écrits.
Les deux outils de cette semaine, figures de style et discours rapporté, sont encore des outils qui agiront principalement au niveau « micro » (phrases, paragraphes, transitions, etc.) de votre texte.
Il ne faut néanmoins pas les négliger, car c’est au texte en lui-même qu’est confronté le lecteur, texte qui est – finalement – l’unique support de l’intrigue, des personnages, de la structure et même du propos !
J’espère que cet article vous a intéressé (et c’est encore mieux si j’ai réussi à vous apprendre quelque chose 😉 ). N’hésitez pas à me laisser vos avis en commentaire !