L’interview de Herminien Hingault

Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui l’interview de Herminien Hingault, auteur de la nouvelle « une Conjuration ».
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Swann Mayolle
Musicien rock et écrivain aux relans punk, ma rencontre avec l’écriture s’est d’abord trouvée dans de la poésie juvénile qui se prenait pour Rimbaud d’un côté et de l’autre, avec les fanfictions et les forums RPG.

L’interview de Herminien Hingault

Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui l’interview de Herminien Hingault, auteur de la nouvelle « une Conjuration ».

L’interview de Herminien Hingault

Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui l’interview de Herminien Hingault, auteur de la nouvelle « une Conjuration ».

Bonjour à toutes et à tous !
Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui Herminien Hingault, l’auteur de la nouvelle une Conjuration

N’hésitez pas à lui poser toutes vos questions en commentaires.
Bonne lecture !

Qui est Herminien Hingault ?

Herminien Hingault est une identité de papier, un pseudonyme en hommage aux personnages de Julien Gracq. Ce n’est qu’un nom, parmi d’autres, correspondant à un univers, à une façon d’écrire, parmi d’autres, comme le faisait Pessoa, toutes proportions gardées. Dans l’idéal, j’aimerais occulter le plus possible la notion d’auteur et surtout l’espèce de petite notoriété qui va avec et fonctionne comme une marque, avec une photo à côté du bandeau. Ce qui compte c’est le texte, les images, les formules qui resteront ou pas dans la mémoire de nous qui lisons. La notion d’identité d’un auteur est relativement récente dans l’histoire littéraire et finalement liée à des questions de revenus, de pratiques commerciales, pourrait-on dire. Je tiens à un relatif anonymat, pour avoir encore l’infini des manières d’imaginer. J’ai la chance de n’avoir rien à vendre et tout à écrire.

Quel rapport à l'écriture entretenez-vous ?

C’est au départ un besoin de noter, pour ne pas oublier et puis cela se ramifie parfois jusqu’à vouloir raconter, évoquer, détailler, parfois trop, souvent même. Il y a certainement dans ce besoin quelque chose de compensatoire, comme une autothérapie. Céline était sincère quand il disait que les écrivains étaient probablement affligés de pathologies psychiques et que sinon ils se contenteraient de profiter de la vie, comme tout un chacun, goûtant pleinement le temps qui leur est imparti, sans se torturer les méninges. Duras, elle, répétait qu’elle ne savait pas ce que c’est d’écrire mais que tout le monde ne peut pas le faire. Je pense, au contraire, que tout le monde, un jour dans sa vie, aura eu l’occasion de s’essayer à créer des univers plus ou moins imaginaires, même si ce n’est qu’en songe, c’est vital. Tout le monde devrait écrire, c’est techniquement très facile dans notre société hypercommunicante, contrairement aux époques passées, on ne se rend pas compte des outils à notre disposition pour le faire. Je ne pensais pas aux IA, mais simplement au papier et au crayon ou à ce miracle qu’est le traitement de texte désormais accessible à quiconque. Parallèlement le travail de la langue est aussi une formidable aventure immobile à laquelle la lecture vous conditionne admirablement depuis votre enfance. Je suis avant tout un lecteur et parfois donc un autolecteur.

Pouvez-vous brièvement résumer Une conjuration ?

Ce serait dommage de « divulgâcher » une découverte de cette Confrérie qui se veut progressive. Disons que dans le cadre du thème de ce numéro 3, une révolte un peu particulière a eu lieu dans une communauté très particulière et le lecteur est invité à faire partie de cet événement par le pronom de la première personne du pluriel omniprésent dans le texte. J’ai conscience qu’aux premières lignes l’ambiance peut paraître presque malsaine, la progression un peu aride et pointilleuse, le contexte obscur et étrange. Mais justement, c’est le prix à payer pour faire partie de la Confrérie, elle-même unique, très fermée. La structure des phrases parfois complexes tente de mimer ce corsetage idéologique dans lequel on est plongé. Les éditeurs de la revue semblent avoir apprécié cette étrangeté un peu verbeuse. Je les en remercie sans aucune flagornerie, je ne croyais pas que cela pourrait être publié. D’ailleurs, nous avons dû faire quelques allègements syntaxiques et quelques amendements pour l’efficacité de l’histoire. C’est le travail d’un éditeur comme on en voit de moins en moins et que chaque écrivant aimerait trouver sur sa route …

L'univers du récit semble riche mais ne se donne jamais complètement, cherchez-vous à alimenter l'imaginaire du lecteur par ce biais ?

Effectivement, là encore la découverte est progressive : de même que le lecteur est invité à se faire une idée de cette Confrérie par petites touches, j’ai moi-même exploré cet univers en étant parfois étonné de ce qui s’y trouvait. De fait, le lecteur aussi peut remplir les trous à sa guise, émettre des hypothèses constantes, c’est finalement le mécanisme de la lecture, mais peut être un peu poussé dans ses retranchements. Il faut dire aussi, pour être honnête, qu’à une époque de ma vie, j’ai virtuellement fait partie de cette Confrérie pendant presque deux ans, explorant ses différents rites, parcourant les endroits réservés à cette communauté exclusive, y vivant une sorte d’histoire d’amour, même. Cela a donné plusieurs textes formant un véritable cycle. Je n’ai donc pas tellement de mal à essayer d’y conduire le lecteur dans une nouvelle aventure intérieure.

Quelles sont vos sources d'inspiration ?

En tant que gros lecteur, j’ai surtout des auteurs qui se sont imposés à moi par leur force et qui, il n’y a pas de mystère, sont des classiques. L’absurdité de l’existence et la tentative des pauvres humains d’y trouver une logique vient de Kafka. Les histoires de la Confrérie constituaient au départ un véritable Kafka-like, ce qu’aurait pu écrire Kafka, comme dans certains de ses fragments, Joséphine la cantatrice ou Le peuple des souris par exemple, ou bien Le terrier. On en est un peu loin. Sinon j’aimerais approcher l’élégance lumineuse du style de Gracq, mais là encore ce n’est pas gagné. On m’a dit aussi que certains aspects du cycle de la Confrérie semblaient inspirés d’une série, La Servante écarlate, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de la voir. J’en suis resté au Prisonnier avec Patrick Mc Goohan et là aussi, il y a une parenté avec Kafka et Orwell, dans la dénonciation des tendances totalitaires du quotidien. Sinon, pour l’univers d’Une conjuration, il y a surtout un lieu, c’est l’église du quartier de mon enfance, le « St Esprit », dans le XIIe arrondissement de Paris. L’architecture à la fois bétonneuse et orientale y est unique, presque oppressante. L’obscurité qui y règne ne peut que faire travailler l’imagination, si vous y passez, essayez, vous verrez !

De bien des manières, notamment le second degré, ce texte rappelle le réalisme grotesque médiéval, qu'est-ce qui a motivé cette ambiance si particulière ?

Le contexte médiéval est venu tout seul, il doit être la résultante d’une exigence de dépouillement de simplicité, celle du mode de vie d’une communauté d’hommes qui se destine essentiellement à l’adoration et au service de la femme personnifiée en une Déesse. Quand on s’oublie à ce point, qu’on nie son individualité, on vit avec le minimum : une maison commune, des rites, une autosuffisance. C’est le côté moine, figé dans un ordre, qui donne cette tonalité médiévale. Et puis, cette radicalité, cette exigence démesurée d’un certain type de pureté conduit bien évidemment à des situations absurdes, des obsessions ridicules. J’ai toujours essayé de mâtiner mes univers de minuscules touches de fantastique ou d’humour. Une économie de moyens, mais vraiment lowcost, comme certaines sciences-fictions actuelles qui n’ont pas besoin de gros effets spéciaux ou de trouvailles futuristes pour fonctionner. J’ai toujours aimé cette façon de faire, très fine, voire presque indétectable, où l’humour, l’ironie flaubertienne se nichent et parfois, effectivement, basculent dans le grotesque. Ainsi dans le choix des termes génériques de confrères ou de membres, il y a une sorte de double sens grivois et que l’on hésite à franchir, mais qui est possible.

Que souhaitez vous que le lecteur perçoive de ce texte ?

Dans l’idéal, il faudrait que chaque lecteur puisse avoir une interprétation personnelle de cet épisode de l’histoire d’une confrérie si particulière. Mais comme disait mon prof de littérature comparée à la fac, J.P. Morel : « le texte n’est pas de la gomme à mâcher » et tout lecteur est bien obligé de se couler dans des contraintes imaginaires. Il serait en revanche dommage d’y voir une croisade masculiniste mettant en scène une forme de domination d’un genre ou sa célébration. Des hommes enfermés dans un « Temple », avec un mode de vie sectaire et des rites absurdes se faisant vibrer dans l’idée toute abstraite de la Femme, voilà une situation bien peu enviable. Ce n’est là qu’une exploration au fil de l’écriture d’une sorte de cauchemar parfois un peu ridicule. Une chose est sûre, il y a chez moi la hantise d’être manipulé, enrégimenté. Au fond, la question de l’humain animal social est centrale : on peut trouver du sens à faire communauté, un soutien dans l’idée de faire société, mais de quelle façon ? Dans les périodes de troubles, de tensions ou de pénuries, l’histoire nous a montré que l’humain a tendance à facilement s’en remettre à une organisation volontiers autoritaire de la vie commune. Il faut s’en méfier, l’excès en la matière a toujours des conséquences et pas seulement risibles.

Merci !

Si d’aventure vous voulez en apprendre sur Herminien Hingault, son texte ou les autres auteurs et autrices au sommaire du Lufthunger Pulp n°3 : les Feux de la révolte, nous vous invitons à cliquer sur le bouton juste en dessous pour découvrir la page de notre campagne Ulule !

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